Photo d'une FlyingCan

Photo:

Minori Matsuoka

FlyingCan

C’est ici que tout a commencé : le premier instrument inventé par Jean-François Laporte ! Son principe est simple : une cannette en aluminium, fendue à deux endroits, que l’on fait tourner au-dessus de sa tête pour la faire chanter. « D’accord, me direz-vous, mais ensuite ? » En effet, que fait-on d’une bonne idée, d’un flash, pour en faire le tremplin d’une carrière ?

Cette idée, on la développe. On investit un temps fou à trouver le matériau le plus performant, la cannette qui offrira le meilleur rendu, la plus vaste palette sonore. Le choix de Laporte s’est porté sur le format 1,5 litre de Kirin, une marque japonaise, la taille surdimensionnée de cette cannette ouvrant un univers d’harmoniques inaccessible autrement. Malheureusement, elle a disparu du marché depuis, mais le format 950 ml de Budweiser, bien de chez nous, donne aussi d’excellents résultats.

Deux fentes rectangulaires sont pratiquées dans l’aluminium pour laisser entrer l’air, et les languettes ainsi créées sont recourbées sur elles-mêmes pour former des ailettes qui vibreront au rythme des tournoiements. Pour maintenir les fentes alignées dans l’axe de rotation, on ajoute un aileron digne d’un requin ou de la queue d’un piano. Il n’y a plus qu’à fixer une corde à un anneau installé dans le bouchon et faire tourner; l’air, en s’engouffrant dans la cannette, déforme les fentes, produisant des tonalités variables et une multitude d’harmoniques. Le chant qui en résulte est sidérant. Il va du doux sifflement au rugissement métallique, en passant par toute une gamme de vocalisations harmonieuses à faire rêver.

On a un instrument prometteur ? Il faut maintenant en jouer. Et jouer de cet instrument nécessite une concentration totale, un état quasi méditatif, puisque l’interprète doit demeurer à l’écoute de la moindre inflexion sonore pour trouver (et maintenir !) la vitesse de rotation parfaite pour le type de son recherché. C’est ainsi que naît « Rituel » de Laporte pour FlyingCan. Ici, la virtuosité s’exprime par le calme, le respect d’une technique qui tient du rituel et la volonté de faire parfaitement corps avec l’instrument. « Rituel », pour Flying Can, figure presque tout le temps au programme des tournées de Jean-François Laporte; cette œuvre de l’inventeur ne cesse jamais d’émerveiller. D’autres compositeurs ont écrit pour la FlyingCan, notamment André Hamel (« L’Heure suspendue ») et Patrick Saint-Denis (« Howl Touch »*).

La FlyingCan s’utilise aussi en installation sonore. Sa rotation est alors mue par un moteur contrôlé par ordinateur. Dans « Kyokkoufu », six FlyingCan tournoient ainsi tout en projetant des effets lumineux autour d’elles. Sans oublier « Orbites », qui met en scène le tournoiement d’un duo de FlyingCan, cette fois suspendues au plafond. 

Cet instrument d’une rare originalité et d’une grande richesse étant devenu un classique de l’univers de Jean-François Laporte, on peut s’attendre à d’autres œuvres, à d’autres types d’utilisations au fil du temps. Et ce sera l’étonnement garanti.

*Publiée sur le CD Totem électrique (Productions Totem Contemporain, 2013).